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Les mots d'Amor-Fati

Jean-Marc Bassetti

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Catégorie : Histoire réécrite

Autour du Louvre

22 janvier 202022 janvier 2020 Amor-Fati

Une petite promenade dans Paris qui vous réservera bien des surprises. Venez, Louis vous emmène, il connait bien le coin ! Et depuis plus longtemps que vous ne le pensez ! Voyez plutôt !


Louis descend au métro Châtelet. Il jette un œil à son téléphone portable pour vérifier l’heure du rendez-vous dans ses SMS reçus, mais il la connait par cœur, évidemment ! Comment pourrait-il l’oublier ? Il en profite pour répondre à Charles qui lui propose une pizza ce soir. Il verra bien. Il ne peut rien dire pour le moment. Cela dépendra de tant de choses. A commencer par sa rencontre avec Élisabeth. Il y a huit jours qu’il ne l’a pas vue. C’est elle qui a repris contact. Elle a appelé chez ses parents. C’est sa mère qui a décroché. Il était tout rouge quand elle lui a passé le combiné et il a attendu qu’elle quitte le salon pour prendre la communication.

Il a envie de marcher un peu. Il aurait très bien pu prendre le 7 et descendre directement au point de rendez-vous (il y a une station de métro) mais il adore la ligne 14. Cette ligne complètement automatique le grise un peu. Voir tous ces gens, lisant le journal ou écoutant de la musique sans s’occuper des autres, emmenés par un conducteur invisible l’impressionne vraiment. Le progrès l’étonne chaque jour.

Élisabeth… Il l’a connue le 10 mai, place de la Bastille lors de la soirée d’élection de Mitterrand. Une soirée qui restera dans toutes les mémoires. A commencer par la sienne. Il a été de tous les meetings, de toutes les réunions politiques. Et cette victoire n’était pas volée. N’en déplaise à son père qui avait plutôt soutenu Pompidou. Élisabeth et lui sont du même camp. C’est déjà ça !

Il fait beau dans ce milieu du mois de mai et Louis profite du soleil printanier. Il regarde sa montre et constate qu’elle est arrêtée. Il a dû oublier de la remonter hier soir avant de se coucher. Le gardien du square de la tour Saint Jacques est juste là devant lui. Il l’interpelle et lui demande l’heure. 11h30 : il a le temps de faire un petit tour. Il prend à droite dans la rue de Rivoli au lieu de prendre à gauche, comme il le devrait, pour rejoindre Élisabeth. En fait, il s’éloigne, mais ce n’est pas grave. La rue est bien dégagée ce matin. Ce n’est pas comme la semaine dernière où les manifestants l’avaient investie dans toute sa longueur. Les étudiants de la Sorbonne et ceux de Saint-Michel, une fois en colère, on ne peut plus les arrêter. Les combats ont été rudes. Europe numéro un l’a parfaitement relaté dans le journal de Jacques Paoli spécialement consacré à la situation actuelle. Il faut dire que le départ de De Gaulle à Baden-Baden n’a rien fait pour arranger les choses. Maintenant il est là, de retour. Mais il va falloir qu’il s’explique.

Ne pas trop s’éloigner quand même sous peine d’arriver en retard ! Ça la ficherait mal pour un premier rendez-vous. Il décide pourtant de pousser jusqu’à l’hôtel de ville. Il adore cet endroit. Mais comme à chaque fois qu’il passe là, la vue de la croix gammée qui flotte sur le bâtiment et les deux gardes de la Wehrmacht devant l’entrée principale lui font mal au ventre. Peut-être un jour reverra-t-on le drapeau français. C’est du moins ce qu’il souhaite au plus profond de lui. Il jette un œil sur les pancartes écrites en gothique au coin de la place de l’Hôtel de ville et du quai de Gesvre. Il va revenir par l’avenue Victoria, c’est plus prudent. Louis aime cette avenue. Elle a été baptisée ainsi il y a peu de temps, en souvenir de la venue à Paris de la Reine d’Angleterre. Louis ne l’a aperçue que de loin. Son carrosse doré déboulait juste de la toute nouvelle rue de Rivoli où l’empereur l’attendait. Il faut dire que Paris est méconnaissable en ce moment. Le baron Haussmann a décidé de percer de grandes artères pour supprimer les quartiers dangereux, et surtout pour pouvoir donner le canon en ligne droite en cas de révolte populaire. Les événements de 48 lui donnent raison !

Au loin, de l’autre côté de la Seine, Louis aperçoit les tours de Notre Dame. Le calme est enfin revenu autour de la Cathédrale. Il repense avec nostalgie au sacre de l’Empereur et de Joséphine en décembre dernier. Il n’avait pas pu entrer évidemment, mais il avait participé à l’événement avec la foule des parisiens. Fièrement, il peut dire « j’y étais ». Il faut dire que ce mois de décembre n’a été que fêtes et festivités diverses pour la gloire de l’Empereur. Maintenant, les décorations ont été retirées et la vie a repris son cours habituel. La guillotine a été démontée de la Place de la Révolution. Danton et Robespierre ont suivi le chemin du Roi. Ce n’est pas un mal, pense Louis. Ce temps de la terreur n’avait que trop duré.

Loin devant lui, Louis aperçoit enfin les jardins qui entourent le palais du Louvre. Il a bien marché. Il pense à Élisabeth. Il ouvre sa redingote qui lui donne un peu chaud. Par contre, il conserve son chapeau. Il faut dire que les deux plumes de paon qui la surmontent lui donnent fière allure. Le quartier est beaucoup plus calme. La folie royale n’est plus là depuis que le roi et sa famille ont décidé de quitter Paris pour Versailles. Les rues sont plus sûres. Il y a surtout beaucoup moins de carrosses qui roulent à tombeau ouvert comme on dit. Il s’en est fallu de peu qu’il se fasse renverser par une diligence la semaine dernière ! Pourtant tirée par huit chevaux. Il aurait dû l’entendre ! Mais il pensait à Élisabeth ! Encore et encore ! Ah quand on est amoureux !!!

Soudain, un bruit de foule attire son attention. Louis se retourne. La population parisienne court dans tous les sens. Il a dû se passer quelque chose. Cela vient de la rue de la ferronnerie. Il aperçoit là-bas, vers le milieu de la chaussée, une charrette de paille qui barre le passage. Étrange. « Que se passe-t-il ? » demande-t-il à une femme qui passe près de lui. « C’est le roi, le bon roi Henri, répond-elle sans même s’arrêter. Il parait qu’il a reçu un coup de couteau. On dit que c’est grave ! Il a été ramené au Louvres. Priez pour lui Monsieur, priez pour lui ! Faites que notre Roi survive !» Quelle catastrophe ! Un roi si fort et si près du peuple, qui a tant fait pour les protestants et pour les pauvres gens.

Midi, l’heure Élisabeth est enfin arrivée. En nage, Louis arrive près du chantier du Pont Neuf où il doit attendre la jeune fille. Il espère juste qu’elle ne sera pas arrivée avant lui. Un homme ne doit pas se faire attendre, ça ne se fait pas ! Visiblement non, elle n’est pas là. Louis retire sa veste, la plie et deux et la pose nonchalamment sur son bras. Faire celui qui n’attend pas. Il ne faut pas donner à Élisabeth l’impression qu’elle est en retard. Il se tourne vers le pont en construction. Il est encore loin d’être terminé. Il se souvient encore de la pose de la première pierre par Henri III, il y a de cela cinq ans. « Tiens, c’était au mois de mai aussi », se dit-il. A la vitesse où cela avance, il faudra encore au moins deux ou trois ans de travaux.

Mais, quand il sera achevé, ce premier pont de pierre de Paris, le seul à traverser entièrement la Seine, lui fera gagner un temps précieux lorsqu’il viendra chercher Élisabeth à la sortie de son travail. Elle est vendeuse au rayon librairie de la FNAC, tout près de la gare Montparnasse.


Le Pont Neuf, contrairement à son nom, est le plus ancien pont de Paris. Il traverse la Seine à la pointe Ouest de l’île de la cité. Construit à la fin du XVIe siècle et terminé au début du XVIIe, il doit son nom à la nouveauté que constituait à l’époque un pont dénué d’habitations et pourvu de trottoirs protégeant les piétons de la boue et des chevaux. Il est aussi le tout premier pont de pierre de Paris à traverser entièrement la Seine. C’est Henri III qui prend la décision de le faire construire en 1577. Il en pose lui-même la première pierre le 31 mai 1578. C’était un mercredi !

 

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Mon prochain roman

17 janvier 202017 janvier 2020 Amor-Fati

Je ne sais pas pourquoi, mais ce soir, j’ai envie de vous offrir le synopsis de mon prochain roman. Ça fait maintenant un bon moment que j’y pense, et je me dis que vous, mes fidèles lecteurs, seriez heureux de connaître la prochaine aventure que je vous proposerai.

Je jette comme ça les idées comme elles me viennent, ça vous paraitra peut-être un peu décousu, mais une fois le tout mis bout à bout, on devrait voir apparaitre au moins la trame de l’histoire.

Alors voilà…


Pour changer un peu de mes habitudes, je crois que je vais faire un thriller, un truc un peu noir, un peu glauque. Avec un rien de peinture sociale aussi. Genre bourgeois contre pauvre type un peu paumé, sans le sou et laborieux. Très bien le trait social, c’est vendeur !

Ça se passera dans les années cinquante, dans une ville close, La Rochelle ou Concarneau, ou Saint-Malo. Ou Carcassonne, vous voyez, le genre de ville avec des ruelles pavées, souvent humides, avec une sorte de caniveau au centre de la chaussée. Des rues peu éclairées, un peu coupe-gorge où le pas du meurtrier résonne très fort. Clop clop clop clop… La nuit, on peut le suivre, rien qu’à l’oreille.

Le héros de l’histoire (et en fait l’assassin) sera un commerçant un peu âgé, sur la fin de sa vie professionnelle. Je l’appellerai René, ou Georges. Ou Léon. Oui, Léon, c’est le mieux.  Une petite soixantaine, toujours bien mis, irréprochable dans sa tenue et son langage. Le genre d’assassin au-dessus de tout soupçon. On lui donnerait le Bon Dieu sans confession. Mais un type un peu hautain, désagréable, sûr de lui, prenant un peu les autres pour moins que rien. Un maniaque qui ouvre et qui ferme son magasin exactement à la même heure, à la minute près, qui mange à heures fixes, qui va au bistrot le soir après manger pour jouer aux cartes avec d’autres notables de la ville. Un vieux qui va aux putes aussi le soir. Un peu de sordide ne fera pas de mal. Il fréquente les prostituées, mais surtout une, à laquelle il est attaché. Voyons… Lucette ou Berthe. C’est bien Berthe comme prénom de pute. Il y en a pas mal dans les polars ou dans les films. Et puis ça fait époque. Dans les années cinquante, c’était encore un prénom courant. Va pour Berthe et Léon.

Et donc, mon Léon est artisan dans le tissu. Il est couturier. Ou tailleur pour homme. Non. Il fait des chapeaux.  Tous les hommes portaient des chapeaux à cette époque. Et les dames aussi. Et les enfants des casquettes. Voilà. Il fait des chapeaux.

Après plusieurs chapitres d’introduction, vous comprendrez vite que ce type étrangle des femmes dans les rues. Il les suit sur les pavés des ruelles sombres de la ville close… Clop clop clop clop. Et d’un seul coup, il les plaque contre un mur et les étrangle, il leur serre le kiki avec ses mains gantées de cuir.

Puis il rentre chez lui, tranquille comme Baptiste, monte dire bonne nuit à sa femme et va se coucher dans une autre chambre. Parce qu’elle est malade sa femme. Non, elle est morte. Je viens de trouver ça ! Vous imaginez un type qui tue des femmes dans la rue et qui rentre retrouver la sienne, qui est morte aussi !!! Parce qu’il l’a tuée aussi ! Ah ah, je sens que ça va être bien comme histoire.

Histoire de corser le tout, il y a son voisin qui se doute de quelque chose. Il habite juste en face de chez lui. Il a une boutique aussi, dans le tissu aussi, ils sont collègues. Lui, il est tailleur. Il fait des vestes et des costumes. Et de chemises. A la différence de Léon, c’est un timide, un introverti, un silencieux. C’est un immigré. Algérien, Marocain, ou Italien. Ou Arménien. Ou Grec. A confirmer, je verrai bien. Il se doute que Léon est un assassin, mais il n’a pas de preuves. Alors il le suit le soir quand Léon va au bistrot. Il ne dit rien, mais il le suit. Et Léon s’en rend compte, et il joue avec lui comme un chat avec une souris. Et l’étranger a peur de Léon.

Mais Léon ne choisit pas ses victimes par hasard, vous vous doutez bien.

Oups, j’en dis trop.

Je suis lancé, j’écris au fur et à mesure que je pense, mais bon, il faut que j’arrête là, je ne vais pas tout vous dire, sinon jamais vous n’achèterez mon livre. Et puis si je vous dis la fin, ce n’est pas drôle n’est-ce pas ?

Il ne me reste plus qu’à trouver un titre. Un titre qui aille bien avec le héros de l’histoire. Un mec plutôt tourmenté. Qui se déplace la nuit sans autre bruit que ses Clop clop clop clop sur le pavé mouillé de la rue. « Les tourments de Léon ». Ou « les fantômes de Léon ». Voilà. Fantômes, c’est bien, ça marque bien l’homme qu’est Léon. Non, plutôt… « Les cauchemars du chapelier ». Ou « Les fantômes du chapelier ». Voilà, je pense que ce sera le titre définitif.

« Les fantômes du chapelier ». Voilà en avant-première pour vous le titre de mon prochain roman. Et s’il est aussi réussi que je l’imagine, on pourra peut-être en faire un film !


Mince, je viens de regarder sur Internet, le titre « Les fantômes du chapelier » est déjà pris. Je suis hyper-déçu. C’est un roman de Georges Simenon paru en 1949. Claude Chabrol en a fait un film. Un de mes films culte servi par Michel Serrault dans le rôle de Léon Labbé et Charles Aznavour dans celui de Kachoudas, le petit tailleur. Le film est sorti sur les écrans le 26 mai 1982.

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Le bal des femmes

30 décembre 201930 décembre 2019 Amor-Fati

Irène de Lalanne est magnifique ce soir. Tout Paris bruisse de son élégance naturelle, de son charme presqu’animal. Les hommes se retournent sur son passage dans les rues de la capitale. Mais, même si elle aime être regardée, elle n’y attache que peu d’importance. Son cœur est pris, et c’est une femme fidèle. Elle est, depuis dix ans bientôt ; l’épouse du riche Comte Xavier Isoard de Vauvenargue, dont le grand-père était un proche de Lucien Bonaparte, frère de l’Empereur. Sa famille est depuis plusieurs siècles propriétaire du château de Vauvenargue, au pied de la Montagne Sainte Victoire, près d’Aix en Provence.

Lorsqu’il réside à Paris, le couple et ses deux enfants vit au 13, avenue de Ségur, tout près de l’école militaire, dans un riche hôtel particulier. C’est ici que ce soir, Madame la Comtesse donne un bal.

Un bal un peu particulier.

Ce bal est donné à la demande expresse de la Duchesse d’Alençon, sœur cadette de l’Impératrice Elisabeth d’Autriche, plus connue sous le nom de Sissi. Il est en effet impossible à Sophie-Charlotte de donner un bal à son domicile, puisqu’elle loge au tertiaire Saint Dominique et qu’il n’est pas coutume de donner une telle réception dans ce lieu de silence et de méditation. Irène a donc accepté de bonne grâce.

« Quelle belle journée nous avons eue aujourd’hui, commente la Comtesse de Valin. Il y a déjà plusieurs jours que le soleil nous fait honneur de ses rayons. Le printemps promet d’être fort agréable.

— Absolument, confirme la Comtesse d’Hunolstein. Derrière mon petit bureau, il faisait une chaleur épouvantable. J’ai dû sortir deux fois dans la rue Jean Goujon pour prendre un peu l’air.

(Il faut dire, sans vouloir être mauvaise langue, que Laure d’Hunolstein allait sur ses soixante ans et que les effets de la ménopause la gênaient considérablement.)

— Oui, je vous ai vue revenir dans le milieu de l’après-midi. Votre stand était bien placé, mais proche du cinématographe, ce qui n’arrangeait rien question chaleur, ajoute la Comtesse de Luppé. Moi, j’étais avec Sœur Electa, des filles de la Croix Saint André, beaucoup plus loin, vers le fond de la salle.

— C’était Sœur Electa ? interroge Madame de Carayon Latour. Mon Dieu je ne l’ai pas reconnue.

— Absolument, confirme Louise de Luppé. Il faut dire qu’elle va sur ses soixante-douze ans et qu’elle a été bien souffrante cet hiver. C’était une se ses premières sorties. Je lui avais fait aménager une chaise haute pour qu’elle ne se fatigue pas trop.

Mais voilà qu’entrent les musiciens qui vont animer la soirée. Violons, violoncelles, alti et contrebasses se mettent en place et accordent leurs instruments. Pendant ce temps, Louise Pédra, baronne de Saint Didier, règle le tabouret de son piano. Un coup d’œil rapide permet de se rendre compte que tous les musiciens sont des musiciennes. Il y a là Claire Moisson, Isabelle Maison, Joséphine Saintin, Louise Terre, Mathilde de Weissweiller et même Alice Jaqmin, qui, à peine âgée de dix-sept ans, donne ce soir sa première représentation sous l’œil attendri de sa tante Louise également présente. Mais Alice n’est pas la plus jeune de la soirée. Madame Cuvellier, épouse du célèbre notaire parisien a tenu à présenter à ses amies sa fille Ester, à peine âgée de cinq ans. Sa bonne la ramènera de bonne heure. Elle a encore besoin de beaucoup de sommeil.

Soudain, le silence se fait. La maîtresse de maison se place près du piano et tousse légèrement pour attirer l’attention.

— Mesdames, Mesdemoiselles, mes amies. Je tiens à vous remercier toutes de votre venue ce soir chez moi. C’est un grand honneur que m’a fait Madame la Duchesse d’avoir choisi ma demeure pour ce bal un peu spécial.

Quelques rires fusent dans la salle. Tout le monde comprend l’allusion de la Comtesse.

— Mais pour vous en parler mieux que moi, je laisse la parole à son Altesse Sophie Charlotte de Wittelsbach, duchesse d’Alençon.

C’est une femme marquée par la vie qui monte sur l’estrade. Les couches difficiles et les maladies ont eu raison de sa beauté passée. Agée de cinquante ans, la Duchesse n’est plus que l’ombre d’elle-même.

—  Mes amies, commence-t-elle, je vous remercie à mon tour du fond du cœur, non seulement pour votre présence ce soir, mais surtout pour votre disponibilité pendant ces quatre jours qu’a duré notre vente.

Quelques applaudissements discrets saluent les derniers mots de la Duchesse.

—  L’année prochaine, nous tâcherons de faire encore mieux. L’événement se déroulera à nouveau dans la première semaine de mai et nous espérons attirer encore plus de monde. D’ici là, peut-être d’autres manifestations auront-elles lieu ailleurs dans Paris, au profit des pauvres et des nécessiteux comme celle que nous venons de vivre. Depuis 13 ans maintenant, cette réunion caritative apporte sa pierre à l’édifice, comme on dit, pour venir en aide aux enfants des bas quartiers parisiens. Merci aux généreux donateurs, merci à vous, Mesdames, merci à la célèbre céramiste Camille Moreau-Nélaton pour sa présence cette année.

Les applaudissements fusent cette fois. Tout le monde est heureux mais fatigué. Cette vente de charité de quatre jours est l’apogée de toute une année de préparatifs, de réunions et de travail acharné.

— Merci encore à Madame la Marquise de l’Isle, à ma chère amie la Marquise Julia de Bouthillier-Chavigny, à la Comtesse Couret de Villeneuve et à Jeanne de la Blotterie pour leur présence régulière à toutes nos manifestations. Et maintenant, puisque cette année, les hommes sont étrangement absents, nous allons pouvoir finir la soirée en dansant entre nous. Mesdames, que Dieu vous bénisse de sa Sainte Grâce et rendez-vous l’an prochain pour la quatorzième vente du Bazar de la Charité. »


Ce texte est évidemment une uchronie. Il n’y eut hélas pas de quatorzième vente du Bazar le Charité.

La treizième édition ne dura d’ailleurs que deux jours au lieu des quatre prévus.

Le 4 Mai 1897, l’établissement situé rue Jean Goujon, dans le huitième arrondissement, fut la proie des flammes qui le détruisit en moins d’un quart d’heure, faisant cent vingt-huit victimes : cent vingt-et-une femmes et sept hommes.

Toutes les femmes citées dans ce texte ont péri brûlées vives lors de cet incendie. La Duchesse d’Alençon a, parait-il, fait preuve de beaucoup de courage et de détermination pendant l’incendie. Elle a activement aidé à faire sortir de nombreuses personnes, mais elle n’a pu rejoindre son mari qui l’attendait à l’entrée de l’établissement. Son corps calciné a été identifié par son dentiste.

 

 

 

 

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La Vertu, l’Amour, la Mort

24 décembre 2019 Amor-Fati

Bon, nous sommes le 24 décembre, veille de Noël.
Je reconnais que le texte qui suit n’est pas des plus gais…
Je complète quelques jours manquants du mois de mai.
Nous voici donc le 2 mai 1536.
Joyeux Noël à toutes et à tous.


La lumière entrait difficilement par la petite lucarne. La pièce était étroite et sombre. Ann avait mal dormi. Les cauchemars avaient hanté son sommeil. Elle se leva quand même pour affronter cette journée. Comme chaque jour depuis un peu plus de deux semaines maintenant, les trois dames de compagnie qui lui restaient s’approchèrent et s’agenouillèrent devant elle. Elle en avait eu jusqu’à soixante il y a encore quelques mois. Les trois dernières avaient été désignées. Ann ne les avait pas choisies.

Le silence était de mise. Pas un mot ne devait être échangé pendant la cérémonie quotidienne. Ann accepta de bonne grâce la toilette matinale. Une toilette somme toute minimale. Le visage, le torse, les mains. C’était tout. Rien de plus.

Par-dessus ses deux épaisseurs de jupons, elle enfila sa longue robe de soie grise, celle avec un petit col en dentelle et un rang de perles blanches, une robe qu’elle avait mise souvent, du temps de sa splendeur. L’une des servantes la laça dans le dos, à l’aide d’un lacet de cuir. Ann remarqua qu’elle serrait un peu plus fort que d’habitude. Un peu de nervosité sans doute.

La seconde servante lui présenta alors sa parure de perles. Collier, bracelet et boucles d’oreilles en forme de goutte. D’un geste, Ann lui fit signe de lui passer le collier autour du cou. De sa main droite, elle centra entre ses seins la goutte qui terminait le collier. Elle accrocha ensuite seule les pendentifs à ses oreilles et boucla le bracelet de nacre autour de son poignet droit. La plus jeune des servantes se présenta face à elle, portant un miroir à bout de bras. Ann jeta un coup d’œil rapide et d’un clignement d’yeux, intima à la jeune fille l’ordre de se retirer.

Un peu de rouge sur les joues, histoire de rehausser un peu le teint pâle qui s’était installé ces derniers jours où elle était restée enfermée. Elle se devait d’apparaître irréprochable.

Une servante attacha ses chaussures, une autre planta dans sa chevelure la dernière barrette qui ferait tenir bien haut son chignon.

Puis les trois femmes déposèrent sur ses épaules la lourde cape de velours rouge qu’elle adorait. Celle avec une capuche et un col de fourrure grise. Elle était prête. Comme pour aller au bal.

Drôle de bal.

Le roi avait proclamé haut et fort qu’elle lui avait été infidèle, qu’elle avait commis l’inceste et avait comploté contre lui. Elle savait que c’était faux. Tout le monde le savait à la cour.

Oui, il y avait de longues soirées au palais, oui elle dansait avec des chevaliers, avec des grands noms de la noblesse anglaise. Oui, beaucoup de gens savaient que ces soirées se terminaient souvent en beuveries et en orgies où les corps ivres et saouls de fatigue se mélangeaient jusqu’au matin. Mais Ann, consciente de sa place et de son rang, avait toujours su s’arrêter à temps, avait toujours refusé les avances de ceux qui ne se contentaient pas d’une simple danse. Car elle en avait vu des réputations entachées, détruites, foudroyées pour une nuit dans les bras de tel ou tel. Jamais elle n’avait accepté ne serait-ce qu’un baiser.

Et pourtant, Dieu sait qu’elle portait des cornes depuis longtemps. Henry, son époux, ne se privait pas pour découcher chaque soir, pour se montrer aux yeux de tous avec une nouvelle femme chaque jour. Elle rongeait son frein depuis de longs mois. Quotidiennement, il lui reprochait de ne pas lui avoir donné de fils pour lui succéder. Une fille, voilà tout ce qu’elle avait réussi à avoir. Elisabeth, comme sa mère et comme la mère d’Henry. Un autre grief à son encontre.

La clé dans la serrure, puis le bruit de la lourde porte. Dix hommes entrèrent, l’air fermé. Il devait être l’heure. Sans attendre qu’on le lui en donne l’ordre, Ann se mit en marche et sortit de la pièce sans se retourner. La lumière du jour lui fit cligner des yeux en même temps que l’air pur lui emplit les poumons. Elle chemina au milieu de ses fidèles, venus là pour lui rendre hommage.

Cinquante mètres devant elle, le bourreau l’attendait, une lourde épée à la main. Sur cette épée, étaient gravés, en français, ces quelques mots ; « La vertu, l’amour, la mort. »


Arrêtée le 2 mai 1536 sur ordre de son mari Henry VIII, Ann Boleyn est décapitée à l’épée dix-sept jours plus tard. L’histoire l’a déclarée innocente des faits que le roi lui avait reprochés. Une plaque marque l’emplacement de son corps, à l’intérieur même de la Tour de Londres.

 

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La jolie colonie de vacances (1)

4 décembre 20184 décembre 2018 Amor-Fati

Mon livre  » A chaque jour une histoire » plait beaucoup aux personnes que je rencontre lors des salons du livres auxquels je participe. C’est pourquoi j’ai décidé de publier, début 2019, le tome 2 de cette série, regroupant les mois de mars, avril et mai. Si mars est complet et qu’il ne manque qu’un texte en mai, avril est plein de trous. Il manque au moins une douzaine de jours. C’est pourquoi vous allez prochainement voir arriver un certain nombre de textes ayant un rapport avec le mois d’avril. Le denier (sous la lanterne) traitait du 4 avril, celui-ci relate des événements du 6 avril.

Comme d’habitude, vos commentaires sont les bienvenus. Bonne lecture.


Ma chère maman,

Ça y est, je suis bien arrivé à la colonie. Le voyage a été très long, mais tout s’est bien passé. Nous nous sommes arrêtés plusieurs fois pour manger et boire un peu. Sabine, la directrice était devant avec le chauffeur et ils regardaient souvent la carte. Nous avons pris des petites routes. Pour éviter les contrôles, je pense. Ça a marché puisque nous sommes arrivés sans jamais avoir été arrêtés.

Tu verrais comme c’est joli ici : une grande maison au pied de la montagne avec un immense jardin. Je n’ai pas compté, mais il y a au moins quinze pièces. Il y a une grande terrasse avec une superbe vue sur le fleuve. Edmond m’a dit que c’était le Rhône. Du moins c’est ce que j’ai compris. La Suisse n’est pas très loin, On verra bien. Il paraît qu’en été on se baigne dans le fleuve. Mais je ne sais pas si je serai encore là en juin. Je serai peut-être rentré à la maison. J’espère !

Je dors dans le grenier, sur un matelas posé par terre avec d’autres gars de mon âge. Parce que nous sommes des grands ! Les filles et les petits couchent dans des chambres au premier étage. Pour le moment, il fait froid, mais ne t’inquiète pas, nous avons assez de couvertures pour ne pas être gelés la nuit. Il n’y a pas de chauffage dans les chambres. Juste quelques petits poêles à bois dans la maison mais ça fait du bien. Chacun notre tour, nous aidons Emma ou Lucie à aller chercher de l’eau à la grande fontaine, dans la cour.

Chaque jour, nous allons à l’école évidemment. Notre maîtresse s’appelle Mademoiselle Perrier. Elle est très jeune et très jolie.   « La classe est jolie, il y a deux tablaux, il y a un poêl, des cartes de geographie, des image sur les mur, il y a 4 fenetres, je mamuse bien, Il y 15 buraux » ; « (…) en classe le matin on fait de l’ecriture du calcul. Lapré midi on fait une dictée ou un devoir de grammaire est quand on saie on aprent des leçon, une resitations, des verbes la table de 1 de 2 de 3 de 4 de 5 de 7 de 8 de 9 de dix. On fait des conpositions j’ai u 64 points edemi j’ai etait le troisième sur 8. » (2)

Nous sommes une bonne quarantaine d’enfants, des grands, des moins grands et des petits. Le plus jeune a quatre ans. Il s’appelle Albert et il est belge. Tu sais, ici, il y a des enfants qui viennent de plein de pays différents : des belges, des polonais, des autrichiens, des français évidemment et aussi beaucoup d’allemands.  On rigole bien, même si on ne comprend pas toujours bien ce qu’on se dit. « Pas besoin de parler pour faire des bêtises », dit Sabine !

Il parait qu’en été, on joue beaucoup dans la cour ou dans les champs et que les grands (comme moi) entretiennent un jardin pour avoir des légumes à manger. Pour le moment, il fait froid, on est beaucoup dans la classe. On apprend bien sûr, mais on dessine aussi beaucoup. Il y a des copains qui dessinent drôlement bien !

Des grands m’ont dit que l’été ils faisaient leur toilette dans la cour, à la grande fontaine et qu’ils s’éclaboussaient tout le temps. Pour le moment, on se débarbouille dans le couloir de l’entrée, dans des chaudrons d’eau chaude. Il paraît aussi qu’il y a un docteur qui passe de temps en temps voir ceux qui sont malades. Pour le moment, je ne l’ai pas encore vu. Je ne suis pas pressé !

Hier, c’était l’anniversaire de Claudine, une petite parisienne. Elle a eu cinq ans. Elle a soufflé ses cinq bougies devant tout le monde et on a applaudi et chanté « Bon anniversaire » en plusieurs langues !

Voilà, ma petite maman, tu vois, tu n’as pas à t’inquiéter, je vais très bien. Ici c’est presque le paradis. Sabine et Miron sont vraiment très gentils et j’ai hâte qu’il fasse beau pour qu’on sorte un peu.

Comment vas-tu ? J’espère que tu vas bien ainsi que Papi et Mamie. Avez-vous des nouvelles de papa ? J’espère qu’il reviendra vite à la maison et reprendra son travail.

Je t’embrasse très très fort. Je t’écrirai encore une grande lettre bientôt pour te raconter ce que nous faisons dans cette grande maison.

Ton fils qui t’aime.


Ils avaient de 4 à 16 ans. Il y avait 44 enfants juifs dans la maison d’Izieu le 6 Avril 1944 lorsque la Gestapo aux ordres de Klaus Barbie a fait irruption au moment du petit déjeuner. Il y avait également 7 adultes. Tous ont été déportés. Tous sont morts, pour 42 d’entre eux gazés à leur arrivée dans le camp de Auschwitz. Aucun n’a survécu.

Miron Zlatin, directeur du centre, a été fusillé à Tallinn en juillet 1944.

Sabine Zlatin, sa femme, surnommée la Dame d’Izieu était absente au moment de la rafle. Elle a survécu. Elle est décédée en 1996 après avoir vu la Maison d’Izieu devenir « le Mémorial des enfants d’Izieu », inauguré par le Président Mitterrand en 1994.

Le site http://www.memorializieu.eu est le site officiel du Mémorial des enfants d’Izieu.

(1) Le titre peu paraître choquant quand on sait ce qui s’est passé, mais d’une part, les enfants appelaient cette maison « la colonie » et d’autre part, ils y trouvaient un peu de calme et de tranquillité. 

« Nous sommes arrivés en camion, pas en autocar, en camion ; et je me rappelle toujours, vous savez, Reifman, il a sauté du camion et a dit : ″Quel paradis !″ » Sabine Zlatin, directrice de la colonie.

(2) Témoignage écrit de Grégory Halpern (8 ans) dans une lettre à ses parents.

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Posted in Au fil des jours, Histoire réécrite, Hommage Un commentaire sur La jolie colonie de vacances (1)

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