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Les mots d'Amor-Fati

Jean-Marc Bassetti

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La Vertu, l’Amour, la Mort

24 décembre 2019 Amor-Fati

Bon, nous sommes le 24 décembre, veille de Noël.
Je reconnais que le texte qui suit n’est pas des plus gais…
Je complète quelques jours manquants du mois de mai.
Nous voici donc le 2 mai 1536.
Joyeux Noël à toutes et à tous.


La lumière entrait difficilement par la petite lucarne. La pièce était étroite et sombre. Ann avait mal dormi. Les cauchemars avaient hanté son sommeil. Elle se leva quand même pour affronter cette journée. Comme chaque jour depuis un peu plus de deux semaines maintenant, les trois dames de compagnie qui lui restaient s’approchèrent et s’agenouillèrent devant elle. Elle en avait eu jusqu’à soixante il y a encore quelques mois. Les trois dernières avaient été désignées. Ann ne les avait pas choisies.

Le silence était de mise. Pas un mot ne devait être échangé pendant la cérémonie quotidienne. Ann accepta de bonne grâce la toilette matinale. Une toilette somme toute minimale. Le visage, le torse, les mains. C’était tout. Rien de plus.

Par-dessus ses deux épaisseurs de jupons, elle enfila sa longue robe de soie grise, celle avec un petit col en dentelle et un rang de perles blanches, une robe qu’elle avait mise souvent, du temps de sa splendeur. L’une des servantes la laça dans le dos, à l’aide d’un lacet de cuir. Ann remarqua qu’elle serrait un peu plus fort que d’habitude. Un peu de nervosité sans doute.

La seconde servante lui présenta alors sa parure de perles. Collier, bracelet et boucles d’oreilles en forme de goutte. D’un geste, Ann lui fit signe de lui passer le collier autour du cou. De sa main droite, elle centra entre ses seins la goutte qui terminait le collier. Elle accrocha ensuite seule les pendentifs à ses oreilles et boucla le bracelet de nacre autour de son poignet droit. La plus jeune des servantes se présenta face à elle, portant un miroir à bout de bras. Ann jeta un coup d’œil rapide et d’un clignement d’yeux, intima à la jeune fille l’ordre de se retirer.

Un peu de rouge sur les joues, histoire de rehausser un peu le teint pâle qui s’était installé ces derniers jours où elle était restée enfermée. Elle se devait d’apparaître irréprochable.

Une servante attacha ses chaussures, une autre planta dans sa chevelure la dernière barrette qui ferait tenir bien haut son chignon.

Puis les trois femmes déposèrent sur ses épaules la lourde cape de velours rouge qu’elle adorait. Celle avec une capuche et un col de fourrure grise. Elle était prête. Comme pour aller au bal.

Drôle de bal.

Le roi avait proclamé haut et fort qu’elle lui avait été infidèle, qu’elle avait commis l’inceste et avait comploté contre lui. Elle savait que c’était faux. Tout le monde le savait à la cour.

Oui, il y avait de longues soirées au palais, oui elle dansait avec des chevaliers, avec des grands noms de la noblesse anglaise. Oui, beaucoup de gens savaient que ces soirées se terminaient souvent en beuveries et en orgies où les corps ivres et saouls de fatigue se mélangeaient jusqu’au matin. Mais Ann, consciente de sa place et de son rang, avait toujours su s’arrêter à temps, avait toujours refusé les avances de ceux qui ne se contentaient pas d’une simple danse. Car elle en avait vu des réputations entachées, détruites, foudroyées pour une nuit dans les bras de tel ou tel. Jamais elle n’avait accepté ne serait-ce qu’un baiser.

Et pourtant, Dieu sait qu’elle portait des cornes depuis longtemps. Henry, son époux, ne se privait pas pour découcher chaque soir, pour se montrer aux yeux de tous avec une nouvelle femme chaque jour. Elle rongeait son frein depuis de longs mois. Quotidiennement, il lui reprochait de ne pas lui avoir donné de fils pour lui succéder. Une fille, voilà tout ce qu’elle avait réussi à avoir. Elisabeth, comme sa mère et comme la mère d’Henry. Un autre grief à son encontre.

La clé dans la serrure, puis le bruit de la lourde porte. Dix hommes entrèrent, l’air fermé. Il devait être l’heure. Sans attendre qu’on le lui en donne l’ordre, Ann se mit en marche et sortit de la pièce sans se retourner. La lumière du jour lui fit cligner des yeux en même temps que l’air pur lui emplit les poumons. Elle chemina au milieu de ses fidèles, venus là pour lui rendre hommage.

Cinquante mètres devant elle, le bourreau l’attendait, une lourde épée à la main. Sur cette épée, étaient gravés, en français, ces quelques mots ; « La vertu, l’amour, la mort. »


Arrêtée le 2 mai 1536 sur ordre de son mari Henry VIII, Ann Boleyn est décapitée à l’épée dix-sept jours plus tard. L’histoire l’a déclarée innocente des faits que le roi lui avait reprochés. Une plaque marque l’emplacement de son corps, à l’intérieur même de la Tour de Londres.

 

© Amor-Fati 24 décembre 2019 Tous droits réservés. Contact : amor-fati@amor-fati.fr

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Posted in Au fil des jours, Histoire réécrite, Hommage

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3 thoughts on “La Vertu, l’Amour, la Mort”

  1. Nath dit :
    25 décembre 2019 à 10 h 53 min

    J’ai toujours aimé la petite histoire dans l’Histoire

    Répondre
  2. Chris dit :
    25 décembre 2019 à 22 h 26 min

    C’est bien écrit, on s’y croirait.

    Répondre
  3. sauvé dit :
    27 décembre 2019 à 18 h 40 min

    j ai beaucoup aimé cette histoire, merci

    Répondre

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