Pourquoi pas – Chapitre 1 – Toujours le premier.
Toujours le premier.
Il est 15 heures.
Je suis le premier, comme d’habitude.
C’est un peu normal, j’habite à deux pas. Deux cents mètres, deux rues à traverser et j‘y suis ! C’est l’avantage des petites villes, ça. Pas besoin de prendre le métro ou le bus. Au pire, je pars à vélo si j’ai une autre course à faire, mais la voiture, jamais . Au prix où est l’essence en plus !
Bon, je l’avoue, quand il pleut vraiment des cordes, Mylène me conduit et vient me chercher aux alentours de 18 heures. Mais il faut vraiment que ça tombe fort. « T’es pas en sucre, me disait mon père, la flotte ne te fera pas fondre ! » Les adages des anciens, ça reste dans la tête, même quand on devient soi-même un ancien.
Et puis, marcher, ça me fait du bien. Il faut vous dire que je marche avec une canne. Opération de la hanche gauche il y a cinq ans. À force de faire du sport et à cause de mon métier, elle était toute bousillée. Il paraït même que la seconde n’est pas en meilleur état, mais ça pourra attendre encore un peu. Chaque chose en son temps, autant faire durer les plaisirs.
Les toubibs m’avaient assuré que je pourrai rapidement courir comme un lapin et sauter comme un cabri. Mais Tintin ! Tu connais les médecins, ils te racontent des cracks pour te filer le moral, mais la réalité est souvent moins rose ! Pas plus de lapin que de cabri à l’horizon. Je marche avec une belle canne que ma douce épouse a chinée pour moi dans une foire à tout. Pile ma taille. Une canne du début du siècle dernier avec un pommeau argenté en forme de tête de chien. Et elle l’a fait graver à mon nom, pour que personne ne me la pique ! On ne sait jamais. Il n’y a pas que les jeunes qui fauchent, il y a aussi des vieux sacrément vicieux qui volent pour le plaisir.
C’est normal, c’est normal ? Normal et pas normal à la fois. Lorsque je travaillais encore à l’usine, je remarquais que ce n’étaient pas ceux qui habitaient le plus près qui étaient les plus pointilleux sur les horaires, au contraire ! J’en ai connu qui étaient systématiquement en retard, et pas de cinq minutes ! Moi, je partais à sept heures et demie, je déposais Benjamin et Julien au collège ou au lycée, je dropais Mylène à son boulot, puis je prenais la route : une bonne vingtaine de bornes par des petites départementales. Je n’ai été en retard qu’une fois, le jour où le moteur de ma 504 a explosé ! J’avais une bonne raison ! Deux cent cinquante mille bornes au compteur, elle n’en pouvait plus la pauvre !
Quand je dis que je suis le premier, j’exagère un peu, parce que c’est Lydie qui arrive la première. C’est elle qui a la clé et qui installe tout avant notre arrivée.
![]()