Chaque jour – 2 Septembre 1666 – Ici Londres

« BFM TV, nous sommes le dimanche 2 septembre, il est 11h 47. Voilà maintenant plusieurs heures que le feu sévit à Londres, vous l’avez suivi heure par heure sur BFM TV dans nos différentes éditions spéciales. Dans quelques minutes, nous retrouverons notre envoyé spécial à Londres Jean-Pierre Lecomte pour un point sur la situation. Mais en attendant, Bérénice, pouvez-vous nous faire un résumé de ce qui s’est passé.

— Oui Bruce. Comme vous le savez, c’est ce matin peu après minuit, que le feu a démarré dans la boulangerie de Thomas Farriner dans Pudding Lane, une petite rue populaire à deux pas de la Tour de Londres.

— Marcel Gambier, vous êtes notre spécialiste des affaires commerciales européennes, pouvez-vous nous rappeler qui est ce Thomas Farriner ?

— Tout à fait Bruce. Thomas Farriner est un boulanger bien connu des habitants de Londres. Sa boulangerie se trouve à deux cents mètres au nord de la Tamise, assez proche des entrepôts maritimes qui ont d’ailleurs aidé le feu à se propager. Thomas, pendant la dernière guerre anglo-néerlandaise, a été l’un des boulangers officiels qui a fourni du pain à la Royal Navy. C’est vous dire la réputation de l’homme. Lui, sa femme et ses enfants ont réussi à s’échapper des flammes, mais leur femme de chambre est hélas décédée dans le début d’incendie et a, de fait, été la première victime de la catastrophe londonienne.

— Thomas Farriner est toujours entendu par la police ?

— Oui Bruce, son témoignage est important. Le chef de la police doit faire une déclaration en début d’après-midi. Nous en saurons plus à ce moment sur ce qu’il advient du boulanger.

— Bérénice, revenons-en aux faits.

— Oui Bruce. Malgré l’intervention efficace des premiers témoins qui ont tenté de limiter l’incendie avec des seaux d’eau et les moyens à leur disposition, le feu s’est rapidement propagé aux maisons voisines, obligeant les habitants du quartier à évacuer les lieux.

— N’aurait-il pas été plus prudent de détruire carrément les maisons voisines, comme on le fait habituellement, pour éviter que les flammes ne s’en prennent aux entrepôts voisins ?

— Tout à fait Bruce, mais le Lord maire Thomas Bloodworth s’y est opposé, arguant que beaucoup de ces habitations étaient louées et que les propriétaires n’avaient pas la possibilité d’être prévenus pour donner leur accord. Maintenant, il semble bien que ce soit cette mauvaise décision qui ait mis le feu aux poudres, si j’ose me permettre cette plaisanterie. Les spécialistes pensent que si les maisons voisines avaient été détruites à temps, le feu ne serait pas parvenu jusqu’aux installations portuaires.

— On raconte même qu’en partant, le Lord maire aurait fait une déclaration qui fait le buzz sur les réseaux sociaux.

— Oui Bruce, une déclaration qui fait en effet beaucoup de bruit. Certains témoins l’auraient entendu dire : « Pish ! A woman could piss it out », ce qui signifie « Fi ! Une femme pourrait l’éteindre en pissant dessus ». Autant vous dire que les networks ne sont pas tendres avec Bloodworth qui devra un jour ou l’autre s’expliquer.

— Et depuis ce midi Bérénice, pouvez-vous nous en dire plus ?

— Oui, Bruce. L’incendie a gagné en intensité dans la matinée, embrasant tout le quartier autour de la boulangerie.

— Il faut dire que les vents d’est ont fortement poussé les flammes et permis au brasier de s’étendre à tout l’ouest de Londres.

— Absolument. Et les pompiers sur place nous l’ont expliqué : le feu lui-même engendre ses propres vents qui tourbillonnent et rendent quasiment impossible une extinction rapide.

— Et comment réagissent les Londoniens devant ce qui semble bien être une catastrophe si l’on en croit les images de la capitale britannique ?

— Les habitants, vous vous en doutez bien, Bruce, sont pris de terreur devant les flammes et le fameux flegme britannique a un sérieux coup dans l’aile si vous me permettez. Les plus riches font tout leur possible pour sauver leurs biens, évacuant les maisons et les banques, cherchant à mettre à l’abri pièces d’or, argenterie, bijoux et mobiliers. Les plus pauvres, de leur côté, essaient de profiter de l’aubaine, surtout ceux qui possèdent une barque ou une charrette. Pensez qu’une charrette qui se louait quelques shillings encore samedi se loue aujourd’hui aux alentours de cinquante livres pour deux heures. C’est la loi de l’offre et de la demande.

— Et ces riches anglais, Bérénice, où vont-ils déposer leurs trésors ?

— Certains au château de Baynard dans le quartier de Blackfriars, d’autres à l’intérieur de la cathédrale Saint Paul au centre de la City. Ces deux bâtiments, ceints d’épais murs de pierre donnent confiance aux riches marchands et financiers qui y entassent leurs richesses. D’autre part, ce sont des lieux qui, pour le moment du moins, sont assez éloignés des flammes et permettent de penser que les richesses seront en sécurité.

— Nous sommes maintenant en liaison avec Jean-Pierre Lecomte, depuis Londres. Vous m’entendez Jean-Pierre ?

— Oui Bruce, je vous entends, malgré le bruit de l’incendie et l’agitation derrière moi, comme vous pouvez le voir.

— Jean-Pierre, Bérénice vient de prononcer le mot de sécurité dans son développement. Qu’en est-il de la sécurité de la ville aujourd’hui, et comment le Londonien lambda réagit-il ?

— Il faut dire que c’est un peu le chaos ici, Bruce. Comme dans toute situation exceptionnelle, le pire sort du bois. Certains magasins sont pillés, la police doit installer des cordons de sécurité autour des maisons détruites pour éviter que tout ne soit inexorablement vidé. La sécurité des personnes n’est plus assurée non plus et on doit déplorer plusieurs victimes d’assassins de rues qui n’hésitent pas à attaquer les passants pour les détrousser, profitant ainsi de la situation.

— Eh bien merci à tous. Nous allons laisser passer une page de publicité et nous reviendrons évidemment rapidement dans notre édition spéciale qui vous permet de suivre heure par heure l’évolution de la situation à Londres, grâce à nos correspondants permanents et envoyés spéciaux BFM TV. Tout porte à croire néanmoins que l’incendie ne sera pas circonscrit ce soir et que les pompiers devront encore batailler quelques heures pour venir à bout des flammes. A tout à l’heure pour la suite de notre édition ! »


Histoire vraie : Bruce avait raison. Le dimanche soir 2 septembre 1666 n’était que le premier du Grand Incendie de Londres qui dura jusqu’au mercredi soir. Ce n’est que le 5 septembre au soir que les dernières flammes furent éteintes par les centaines de pompiers et volontaires déployés sur place. Les pauvres riches en furent pour leurs frais car la Cathédrale Saint Paul et le château de Byanard, entre autres, ne résistèrent pas aux flammes et furent entièrement détruits.

Le bilan humain direct officiel de l’incendie ne fait état que de huit morts. Cependant les spécialistes pensent que beaucoup de Londoniens ont péri et n’ont laissé aucune trace dans un brasier dont la température a dépassé plus de mille degrés par endroits.

 Les dégâts matériels ont été chiffrés à 13 200 maisons détruites, 87 églises paroissiales, 44 maisons de guilde, le Royal Exchange, la Custom House, la cathédrale Saint-Paul, plusieurs prisons, dont celle de Bridewell Palace, le General Letter Office, et les trois portes occidentales de la Cité : Ludgate, Newgate et Aldersgate. On estime que le désastre a coûté leur domicile à environ 70 000 des 80 000 Londoniens. Son coût, tout d’abord chiffré à 100 millions de livres de l’époque, fut par la suite réduit au chiffre incertain de 10 millions de livres.  (Wikipedia)

Quant à Thomas Farriner, il est revenu dans Pudding Lane après l’incendie et a reconstruit sa boulangerie. Il est mort en 1670, quatre ans à peine après le grand incendie de Londres.

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