Chaque jour – 22 Avril 1500 – Le carnavalier du Brésil
Il en avait inventé des arbres ! Mais celui-là il n’en planterait plus jamais !
Après sa première récolte de spaghettis, dix ans plus tôt, Marcel s’était attaqué à la culture de masse. Ça correspondait exactement au début de sa retraite. Il aurait enfin du temps pour se consacrer à ses recherches.L’arbre a spaghettis avait été le déclencheur, même si lui aussi avait été le fruit du hasard. Au départ, il voulait planter des nouilles. Il les avait fait sécher longtemps au soleil, comme il l’avait lu dans plusieurs ouvrages spécialisés, mais un violent orage avait dû faire migrer les graines, sans qu’il s’en aperçoive. Au printemps, alors que ses voisins s’enorgueillissaient de leurs superbes fleurs de nouilles orange et violettes, lui n’avait que des fleurs longues et pendantes. Marron et kaki. Il avait été un moment la honte du quartier. Mais lorsque, le temps avançant, les spaghettis étaient apparus, plus personne n’était venu lui faire de reproches. Il avait été le seul à récolter des pleins cartons de spaghettis mûrs à souhait. Il ne lui restait plus qu’à espérer que la récolte de bolognaise soit aussi une réussite pour que la saison le rende enfin riche.
Il avait été moins heureux avec l’arbre à tongs. Les chaussures de plages étaient de mauvaise qualité et le passage de doigts était légèrement décalé, ce qui entrainait un manque de confort évident. A la réflexion, il s’était rendu compte qu’il avait planté le tonguier en janvier, ce qui n’est pas la période la plus propice.
Dans le jardin de sa belle-mère, plus étendu que le sien, Marcel avait fait plusieurs tests : des stylos, des pelles à tarte, des sonnettes de vélos, avec plus ou moins de succès. Etonnamment, le Sopalin avait été un échec cuisant alors que la récolte du PQ avait permis de tenir toute l’année à quatre dans la maison.
Marcel avait tenté des boutures de slips, de bolduc et d’ampoules vertes.
Et voilà qu’un jeudi, en fin de matinée, son ami René était arrivé avec un air de comploteur, cachant un pot mystérieux sous un vieil anorak.
« Devine, avait-il dit… Devine ce que je t’apporte.
Marcel avait posé des questions et René avait fini par donner la solution : un carnavalier du Brésil. Il en existait très peu dans nos contrées et on ne connaissait que peu son mode de croissance. Les sites internet consultés indiquaient qu’il fallait que le carnavalier soit planté en mai, au bord d’un fleuve, en moyenne altitude, sous un climat tropico-polaire, ce qui était le cas ici. Il était aussi indiqué que pour obtenir de beaux déguisements complets, il fallait danser la salsa devant l’arbre, tous les soirs de pleine lune, pendant dix mois, jusqu’à la récolte prévue fin février début mars époque où il ne restait plus qu’à faire les ourlets.
Hélas, Marcel avait fait l’impasse sur la salsa, pensant qu’une petite valse de temps en temps ferait bien l’affaire. Mail lui en prit, car si les bourgeons et les fleurs avaient été prometteurs, il faut avouer que la récolte finale avait été plus que décevante : une robe de fée, des chaussettes de Batman, un short de footballeur et une blouse d’infirmière. Auxquels on pouvait ajouter quelques socquettes, mouchoirs ou masques de zorro dépareillés.
Marcel en avait pleuré plusieurs semaines, tellement déçu par un tel échec après dix ans de travail. Mais l’espoir était revenu après avoir lu un article passionnant sur les arbres à bidets et les semis d’armoires normandes.
Sa femme lui a commandé des graines de pizzas et des pousses de couscous pour son anniversaire. Mais, si vous le croisez, ne lui dites pas, c’est une surprise !
Le 22 Avril 1500, Carlos Alvares Cabral met le pied sur une nouvelle terre : le Brésil. Le Brésil tient son nom du bois que les navigateurs portugais ramenèrent dans leur pays et qui était couleur de braise…